Le droit de grève serait-il obsolète aux yeux du gouvernement ? Va-t-on revenir à l'époque d'avant Napoléon III, où la grève était tout simplement interdite ? Dans la suite logique des déclarations goguenardes de notre hyperprésident Nicoléon le Petit ("Désormais, lorsqu'il y a une grève en France, on ne s'en rend pas compte"), des indices nous laissent à penser que le gouvernement actuel, dans un étrange mouvement de rétropédalage, amalgame la grève et le droit de la faire à une sorte de défi antimoderne à sa conception de l'ordre du monde. Le 27 janvier au matin, Eric Woerth, distingué Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, était l'invité du Sept Dix de Nicolas Demorand, sur France Inter. Alors que la grève s'annonce pour le jeudi 29 et qu'il y a dans l'air comme un climat de fronde, M. Woerth informe les auditeurs qu'il existe "d'autres moyens de se faire entendre". Demorand relance : "Lesquels, M. Woerth ?" Et voici que le ministre hésite : comme il l'ignore sans doute et que, visiblement, c'est après le droit de grève qu'il en a (une "prise d'otage", selon le vocabulaire en vigueur dans la plupart des médias), il évoque la possibilité de s'exprimer autrement, mais nous dit-il, ce n'est pas à lui de dire ce qu'il faut faire pour se faire entendre... Ah, d'accord. M. Woerth sans doute est modeste. Et de nous inviter à nous serrer les coudes : après tout, sermonne le distingué Ministre du Budget, les gens sont inquiets pour leur pays. Demorand relance : "Les gens qui manifestent jeudi peuvent dire la même chose : je suis inquiet pour mon pays, pour l'avenir de nos enfants". M. Woerth soudain semble pris au dépourvu, alors il joue son va-tout ; il botte en touche : "Eh ben, qu'ils se démènent, quoi.... Qu'ils bougent !" On touche au sublime ; le ministre ajoute : "Qu'ils deviennent un acteur de la sortie de crise !", en se mettant "à l'unité du pays", précise-t-il. Rentrez chez vous, braves gens, travaillez (si vous le pouvez), mais surtout bouclez-la. En journaliste à qui on ne la fait pas, Demorand repart : "Mais lorsque l'on perd son emploi ou qu'on est en chômage technique, comment on fait pour être un acteur de la sortie de crise ?" C'est là que l'auditeur éberlué apprend que selon M. Woerth, il existe "trente-six mille manières" d'être "acteur de la sortie de crise". Toutefois, toutefois, nul besoin de commencer à compter, on n'en saura guère plus : M. Woerth embraye très, très vite et reparle de "se serrer les coudes" et d'"écouter la souffrance des gens". En clair : soyez sages, mais sachez combien l'on compatit, braves gens... Tout cela nous joue, toutes proportions gardées bien entendu, un petit air de "Gleichschaltung", la "mise au pas" inventée par les hitlériens : ne s'agissait-il pas, alors, de faire marcher tout le monde à l'unisson ? De quoi Sarkozy était-il le nom, déjà ?
vendredi 30 janvier 2009
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