Ces deux dernières semaines, module d'un organisme bien connu suivant les cadres en recherche d'emploi depuis plus d'un an...
Cela démarre fort. L'animatrice nous demande d'abord d'imaginer la vie professionnelle et la vie privée de chacun de nous : "Comment vous la voyez, Vivette, dans sa vie privée ? Comment elle s'habille ? Qu'est-ce qu'elle pourrait écouter comme musique ?"
Nous nous apercevons très vite d'une chose : assertivité, méthode Coué et une pincée de psycho grand débutant de maternelle élémentaire constituent la majeure partie du programme, aussi inoffensif pour l'esprit qu'une tisane de grand-mère. L'animatrice, qui n'a quasiment que sa gentillesse à nous offrir, nous exhorte comme des enfants turbulents et légèrement simplets qu'il faut reprendre en main : "Vous avez baissé les bras !", "Une maison, il lui faut des fondations, vous comprenez...", "Donnez-vous des objectifs ! donnez-vous des buts". Tout en faisant appel à une psychologie naïve, où il est important pour chacun, s'il doit dire quelque chose, d'apporter une "critique constructive".
Dans cet univers d'oppositions binaires, il n'est pas question bien entendu d'être "négatif" ; des mots sont proscrits : "échec", "doute"... Et gare au "jugement de valeur" : "Attention, on n'est pas dans le jugement de valeur !", ressasse l'animatrice dès qu'un participant évoque les réalités de son univers professionnel, dès qu'il s'agit de commenter et d'apporter ses propres réflexions aux méthodes de tel autre participant - chose que pourtant nous sommes sommés de faire les uns vis-à-vis des autres !
Une jeune diplômée évoque ses difficultés personnelles, ses doutes sur l'efficacité de l'appel au réseau, grande tarte à la crème à la mode dans ce type de module. Chacun sent qu'il y de véritables difficultés là derrière. Mais au lieu de répondre à ses préoccupations, l'animatrice, qui a distribué des histoires édifiantes dont l'une est issue des expériences psychiatriques de Paul Watzlawick de l'école de Palo Alto, la sermonne : "Non, Vivette, regardez ! vous êtes là-dedans, vous êtes dans l'histoire du marteau !" Lorsque l'un de nous compare son expérience professionnelle à celle de membres du groupe, l'animatrice recadre systématiquement : "Non, Thierry, parlez de vous !" Dans un contexte de groupe dont le prétexte est la mise en commun et la dynamique de groupe, chacun est en fait renvoyé à sa solitude, chacun est réduit à son statut d'isolat.
Tout est lénifiant ! L'animatrice s'enthousiasme de la philosophie orientale d'un participant : "C'est très rassurant, ce que vous dites, pour un recruteur. Et ça, Renaud, ce sont vos mots-clé, hein d'accord ? Merci pour votre sagesse : faites-la partager pendant l'entretien..."
La réalité pourtant parfois se venge. L'expérience finit très mal pour l'animatrice. Le dernier jour, certains participants, qui ont de la bouteille, montrent très ostensiblement qu'ils n'en ont plus rien à faire. Et lorsqu'il faut se lancer dans un jeu de rôle recruteur/recruté dont les règles ne sont même pas correctement énoncées (l'animatrice demande de faire des binômes pour simuler un véritable entretien, puis renonce au dispositif qu'elle a fait mettre en place au moment de lancer la simulation), c'est la révolte des cadres : la majorité déclare forfait. Enfin, nous nous jetons à l'eau et exprimons notre scepticisme. L'un de nous parle de "niveau CM2". Je parle de "psychologie naïve". L'animatrice désarçonnée fait remarquer : "Oh, attention, vous parlez comme un livre". Les remarques désapprobatrices ne cessent plus, elles s'abattent sur la malheureuse, qui répète plusieurs fois : "je le note, c'est très, très important ce que vous dites". Mais elle reste hors jeu, aussi peu à l'écoute qu'elle l'était lorsqu'elle tenait encore la barre : à un participant qui explicite comment pourrait être améliorée la prestation conseil, elle formule cette question parfaitement hors-sujet : "Et votre CV, il est en ligne ?" Hors-sujet, parce que tout cadre suivi par cet organisme bien connu a pour obligation de mettre ses CV et lettres de motivation en ligne...
Cela démarre fort. L'animatrice nous demande d'abord d'imaginer la vie professionnelle et la vie privée de chacun de nous : "Comment vous la voyez, Vivette, dans sa vie privée ? Comment elle s'habille ? Qu'est-ce qu'elle pourrait écouter comme musique ?"
Nous nous apercevons très vite d'une chose : assertivité, méthode Coué et une pincée de psycho grand débutant de maternelle élémentaire constituent la majeure partie du programme, aussi inoffensif pour l'esprit qu'une tisane de grand-mère. L'animatrice, qui n'a quasiment que sa gentillesse à nous offrir, nous exhorte comme des enfants turbulents et légèrement simplets qu'il faut reprendre en main : "Vous avez baissé les bras !", "Une maison, il lui faut des fondations, vous comprenez...", "Donnez-vous des objectifs ! donnez-vous des buts". Tout en faisant appel à une psychologie naïve, où il est important pour chacun, s'il doit dire quelque chose, d'apporter une "critique constructive".
Dans cet univers d'oppositions binaires, il n'est pas question bien entendu d'être "négatif" ; des mots sont proscrits : "échec", "doute"... Et gare au "jugement de valeur" : "Attention, on n'est pas dans le jugement de valeur !", ressasse l'animatrice dès qu'un participant évoque les réalités de son univers professionnel, dès qu'il s'agit de commenter et d'apporter ses propres réflexions aux méthodes de tel autre participant - chose que pourtant nous sommes sommés de faire les uns vis-à-vis des autres !
Une jeune diplômée évoque ses difficultés personnelles, ses doutes sur l'efficacité de l'appel au réseau, grande tarte à la crème à la mode dans ce type de module. Chacun sent qu'il y de véritables difficultés là derrière. Mais au lieu de répondre à ses préoccupations, l'animatrice, qui a distribué des histoires édifiantes dont l'une est issue des expériences psychiatriques de Paul Watzlawick de l'école de Palo Alto, la sermonne : "Non, Vivette, regardez ! vous êtes là-dedans, vous êtes dans l'histoire du marteau !" Lorsque l'un de nous compare son expérience professionnelle à celle de membres du groupe, l'animatrice recadre systématiquement : "Non, Thierry, parlez de vous !" Dans un contexte de groupe dont le prétexte est la mise en commun et la dynamique de groupe, chacun est en fait renvoyé à sa solitude, chacun est réduit à son statut d'isolat.
Tout est lénifiant ! L'animatrice s'enthousiasme de la philosophie orientale d'un participant : "C'est très rassurant, ce que vous dites, pour un recruteur. Et ça, Renaud, ce sont vos mots-clé, hein d'accord ? Merci pour votre sagesse : faites-la partager pendant l'entretien..."
La réalité pourtant parfois se venge. L'expérience finit très mal pour l'animatrice. Le dernier jour, certains participants, qui ont de la bouteille, montrent très ostensiblement qu'ils n'en ont plus rien à faire. Et lorsqu'il faut se lancer dans un jeu de rôle recruteur/recruté dont les règles ne sont même pas correctement énoncées (l'animatrice demande de faire des binômes pour simuler un véritable entretien, puis renonce au dispositif qu'elle a fait mettre en place au moment de lancer la simulation), c'est la révolte des cadres : la majorité déclare forfait. Enfin, nous nous jetons à l'eau et exprimons notre scepticisme. L'un de nous parle de "niveau CM2". Je parle de "psychologie naïve". L'animatrice désarçonnée fait remarquer : "Oh, attention, vous parlez comme un livre". Les remarques désapprobatrices ne cessent plus, elles s'abattent sur la malheureuse, qui répète plusieurs fois : "je le note, c'est très, très important ce que vous dites". Mais elle reste hors jeu, aussi peu à l'écoute qu'elle l'était lorsqu'elle tenait encore la barre : à un participant qui explicite comment pourrait être améliorée la prestation conseil, elle formule cette question parfaitement hors-sujet : "Et votre CV, il est en ligne ?" Hors-sujet, parce que tout cadre suivi par cet organisme bien connu a pour obligation de mettre ses CV et lettres de motivation en ligne...
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