Il existe, paraît-il, des alcools adaptés aux humeurs et aux malheurs du temps. Peut-être, qui sait, y a-t-il des films distillés selon les mêmes recettes. Vous offrir un alcool corsé pour vous adoucir paradoxalement l’existence, c’est un peu le propos du dernier film de Guédiguian, qui n’a rien d’une tisane, malgré son concept de conte inspiré par Hugo Victor (le poème « Les Pauvres Gens »). Du Kilimandjaro, pas plus que les héros, des prolétaires suspects d’embourgeoisement que d’autres prolétaires, plus jeunes, plus précaires, dépourvus d’idéaux, « affranchis », viendront plumer, on ne verra la cime, ni les neiges éternelles. En revanche, on verra comment, confronté à l’impensable (être volé par d’autres petites gens), un couple va, en découvrant les motivations altruistes de plus précaire que soit, accomplir un autre impensable : s’occuper des enfants d’un des agresseurs, envers et contre tous - contre tous ceux qui n’entendent pas que des prolétaires s’attaquent, aussi sauvagement, à d’autres prolétaires. Car ce que semble nous dire ce Guédiguian presque mystique, en cette fin 2011, ce début 2012, c’est que la révolution sera intérieure ou ne sera pas : transformer le monde commence par une révolution personnelle, qui consisterait à répandre le Bien plutôt que le Mal, autour de soi. On pense à l’humanisme de Renoir, rappelant que « chacun à ses raisons ». L’envers du conte, toutefois, est sombre, en dépit du beau soleil trompeur d’une Estaque si superbement filmée, loin des cartes postales. Toute solution de continuité, de transmission des idéaux en effet est bloquée dans un contexte de délabrement général : les jeunes générations ne reconnaissent d’autre loi que celle de la débrouille (s’emparer à tout crin du bien d’autrui pour survivre) ou encore la loi du talion (rendre le mal pour le mal qu’on nous a fait, certes indûment). Au fond, ce qui pend au nez des faux héros de cette histoire, comme à nous tous, c’est de finir vautrés pour toujours dans une chaise longue, contents autant qu’il y a des saucisses et du Ricard. A tous ceux-là, Guédiguian offre une réflexion forte, bouleversante parfois, émaillée de modestes consolations, non sans philosophie, comme ce truculent bistrot où l’on vous sert le breuvage de votre peine du moment...
lundi 9 janvier 2012
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